lundi 6 avril 2009

La mise en scène du projet urbain

Contribution à une structuration des démarches
Alain Avitabile, Editions L’Harmattan, Villes et Entreprises, Paris, 2005.

Le projet urbain est devenu un "incontournable" du vocabulaire des acteurs de la ville et des territoires. Ce livre traite notamment la question du "process" en situant les différents acteurs présents sur la scène urbaine et celle du management des projets urbains. Il s'inscrit dans une exigence croissante de transparence et d'explication de la part des élus et des professionnels vis-à-vis de la société civile afin d'aller vers une plus grande démocratie à travers l'exercice du débat public et de la gouvernance urbaine.

TABLE DES MATIERES

Introduction

Première partie :
Le projet urbain : une culture du lieu et de l’action urbaine

1. Un « incontournable » dans le vocabulaire de la ville et des territoires

2. Une approche nouvelle du territoire

3. Une culture de l’action par le projet

4. Les implications sur la chaîne et les métiers : des schémas à réviser

5. Le projet urbain en pratique : une diversité d’applications

Deuxième partie :
Mythes et déboires des projets urbains

1. L’absence de référents partagés par les différents acteurs

2. Pour une lecture critique des démarches de projets urbains

Troisième partie :
Retrouver les fondements du projet urbain

1. Se recentrer sur le sujet : identifier les mécanismes qui se jouent sur la scène urbaine

2. Repréciser la nature de l’action sur la ville et les territoires

3. Spécifier le projet urbain : pour une acception élargie

4. Caractériser la démarche de projet urbain et les implications sur sa mise en œuvre

Quatrième partie :
Structurer le process au plan organisationnel

1 Spécifier le contenu à établir

2 Organiser la démarche dans un système d’acteurs ou « mettre
en scène » le projet urbain

3 Mettre en œuvre le process

Cinquième partie :
Faire évoluer les démarches de conception

1. Mobiliser les outils conceptuels pertinents au service du dessein urbain

2. Elargir la démarche de conception

3. Mettre en œuvre les outils conceptuels

4. Formaliser et adapter l’expression du contenu

Conclusion

Bibliographie



Présentation de l’ouvrage

Incontestablement, le projet urbain est devenu un incontournable du vocabulaire des acteurs de la ville et des territoires. Son émergence est attachée à une nouvelle culture du territoire et des modes d’action urbaine. Les récentes lois en matière d’urbanisme placent d’ailleurs la démarche de projet au centre des politiques territoriales et ceci aux différentes échelles.

Cependant, si l’on note une évolution dans la culture du territoire, la réflexion sur les méthodes a peu été développée, conduisant encore à de nombreux « projets » restant dans les tiroirs.
C’est sous cet angle que se place cette contribution à une structuration des démarches de projets urbains. A partir d’une redéfinition élargie du projet urbain au regard des mécanismes urbains, celle-ci traite notamment la question du « process » en situant les différentes catégories d’acteurs présents sur la scène urbaine et celle du management des projets urbains.

C’est aussi un apport de méthode sur la nature du contenu à élaborer, avec ses différents niveaux d’expression selon l’avancement de la démarche. Il s’inscrit en cela dans une exigence croissante de transparence et d’explicitation de la part des élus et des professionnels vis à vis des usagers quant à l’aménagement de leur cadre de vie, afin d’aller vers une plus grande démocratie, à travers l’exercice du débat public.


1. Le projet urbain : une culture du lieu et de l’action urbaine

Sont mises en lumière dans un premier temps les évolutions intervenues dans l’approche des territoires qui pose le projet urbain en rupture avec les schémas de pensée des générations précédentes notamment marquées par un urbanisme fonctionnaliste allié à un courant planificateur. A une vision « objectivée » de la ville, occultant l’échelle des espaces vécus et la réalité sociale, à la pratique de la « table rase » gommant le parcellaire succède une approche plus « contextuelle » de l’urbanisme, c’est une lecture, plus fine et plus attentive aux éléments constitués et à leur génération qui oriente le travail de conception urbaine vers la recherche de leur réinterprétation exprimant la dimension culturelle de la réalité urbaine. La notion de composition urbaine réapparaît, liée notamment à la prise de conscience des vides comme composantes structurantes du paysage urbain, et se développe une culture de l’action sur les espaces publics.

Par ailleurs, dans un contexte de plus en plus médiatisé et marqué par une concurrence des villes et territoires, les projets urbains sont souvent utilisés comme support à des stratégies d’image.
C’est aussi une nouvelle culture de l’action qui est attachée au projet urbain avec une recherche de partenariats qui succède à l’interventionnisme public attaché aux grandes opérations d’aménagement qui se font plus rares et une approche globale en rupture avec les démarches sectorielles. Le mythe de la maîtrise de la ville et de l’urbanisme « volontariste » définitivement balayé avec la mise en place de la décentralisation conduit à développer une culture du projet s’appuyant sur les logiques d’acteurs en présence, laquelle succède à la culture de l’étude.
La prise en compte et l’association même des habitants devient un élément de la démarche de projet urbain entérinée par les textes instituant le principe de la concertation préalable.

Cette évolution culturelle incite à reconsidérer la chaîne traditionnelle de l’action urbaine et conduit à des mutations des métiers. Dans un contexte de multiplication des acteurs sur la scène urbaine, le management de projet apparaît comme une compétence nouvelle attendue des professionnels et sont mises en avant les fonctions relevant de la maîtrise d’ouvrage, opérant une certaine redistribution des rôles. Ce faisant, cette culture de l’action sur les territoires associée au projet urbain tend aussi à faire tomber cette frontière entre le temps de la conception (phase de définition) et le temps de l’action (phase de réalisation).
Enfin, est donné un aperçu des applications récurrentes des projets urbains.


2. Mythes et déboires des projets urbains

Si l’usage de ce terme s’est généralisé, voire banalisé, il recouvre des significations sensiblement différentes selon les catégories d’acteurs et leur culture de l’action, liées à leur place dans la « chaîne ». Ainsi, par défaut d’un référentiel commun, celles-ci vont du simple dessin urbain, appliqué à l’échelle du quartier, à la définition d’une stratégie d’agglomération, voire à sa programmation.
A ce titre sont passées en revue les différentes représentations du projet urbain selon les catégories d’acteurs, du concepteur à l’aménageur en passant par l’élu et l’habitant. Par ailleurs, l’approche conceptuelle met en évidence des conceptions souvent décalées par rapport aux réalités, d’où la multitude de projets urbains s’avérant inopérants.

C’est aussi toute une « mythologie urbaine » qui semble avoir refait surface en posant implicitement le projet urbain comme démarche globale se voulant « changer la vie en changeant la ville », réintroduisant ce vieux mythe de l’espace comme « effecteur social ».

Enfin, force est de constater le nombre d’investigations se présentant comme des démarches de projet urbain et restées sans suite (les « projets-tiroir »), notamment par le décalage de leur conception avec la réalité des logiques qui font la ville, d’où la multitude de projets urbains s’avérant inopérants.


3. Retrouver les fondements du projet urbain

Face aux confusions de langage, face aux déboires constatés des projets qui s’enlisent ou des réalisations qui dérapent, face aux mystifications sur la portée des démarches de projets urbains, il apparaît essentiel de distinguer ce qui relève de réelles évolutions des approches de la ville, d’un côté, et de déviations idéologiques et de schémas réducteurs, qui semblent persister ou réapparaître, de l’autre.

Ainsi, après avoir pointé les sources de malentendus dans le langage et les croyances sur la ville et les territoires, encore fortement ancrées (ou, à l’inverse, la négation du lieu comme objet d’action), est proposée une lecture synthétique s’efforçant de faire la part des choses entre l’utopie créatrice, porteuse de changements, et la réalité des mécanismes qui opèrent sur les territoires, en considérant à la fois les logiques socio-économiques, le champ des usages et celui des représentations.

Ces recadrages de base permettent de spécifier le champ du projet urbain, la portée réelle, les enjeux et le sens qui peuvent être attachés à ce type de démarche au regard des mécanismes identifiés, et ses limites, en le situant par rapport aux autres formes d’action sur les territoires mais aussi ses articulations. Ce recentrage conduit à (re)définir le projet urbain*, en l’inscrivant dans une acception élargie et à caractériser la nature de la démarche pour aborder la problématique de sa mise en oeuvre, à la fois en termes d’organisation (ou « process ») et de contenu.

A partir de là sont posés les axes d’une évolution nécessaire des pratiques et des bases conceptuelles pour donner au projet urbain une portée plus globale que celle réduite au travail de mise en formes urbaines comme objet en soi.

*On peut définir le projet urbain comme « une démarche d’initiative publique qui a pour objet de définir un cadre et une stratégie d’action en vue d’induire des dynamiques urbaines (ou un processus de mutation urbaine) en prenant en compte les logiques des agents et les jeux d’acteurs et en articulant les différents registres d’action aux différentes échelles inférant sur ses conditions de concrétisation ».

4. Structurer le process au plan organisationnel

Bon nombre de déboires dans les démarches de projet urbain sont liés à l’absence d’une définition claire du processus d’élaboration, articulant les rôles respectifs des techniciens et des élus mais aussi des acteurs divers : acteurs co-producteurs ou partenaires du projet, acteurs sociaux et notamment les habitants. Or, la structuration des démarches de projet urbain passe notamment par la définition d’un cadre de référence qui puisse être partagé par les différentes catégories d’acteurs. Celui-ci doit à la fois préciser :
- la nature du contenu ou « contenant », c’est à dire ce qui est à concevoir, d’une part,
- la répartition générale des fonctions de chacun dans la « chaîne », c’est à dire en d’autres termes ce que pourrait être un « process-qualité », à la fois interne et externe, d’autre part.

Ceci conduit à mettre en évidence les enjeux attachés au choix d’un dispositif de projet et plus largement à la configuration d’acteurs à mettre en place. En outre, sont mis en exergue certains aspects récurrents, au plan organisationnel, qui s’avèrent souvent déterminants pour la qualité du process, à des phases-charnières ou tout au long de l’élaboration.


5. Faire évoluer les démarches de conception

L’aspect organisationnel étant posé, ce sont des pistes exploratoires qui sont ici esquissées afin d’élargir - voire de renouveler - les outils et les processus de conception des projets urbains, en s’inspirant d’autres champs.
A ce titre, sont identifiés des « points-qualité » récurrents comme et notamment la conception-programme, composante déterminante du projet urbain intégrant les logiques socioéconomiques, mais aussi les usages et l’approche identitaire (ou « conception sémantique ») de nature à favoriser un ancrage culturel des habitants au territoire, pour donner un sens élargi à tout le champ de la conception urbaine.

Ces éléments sont ensuite examinés au plan de leurs modes d’expression, selon les différents volets, en les adaptant aux étapes-clés de la démarche d’élaboration, en proposant en particulier des alternatives au traditionnel plan masse...